Quête de l'Alpha
*Lui*
- Arzael ! Le vieux Réno est mort, il est décédé cette nuit, Rémi est déjà en route pour prendre son territoire.
Je regarde Calel un sourire sur les lèvres. Depuis le temps que je voulais les terres des Rocheuses. Terres convoitées pour ses ressources. Le vieux Réno possédait un immense territoire de pleine et de montagne juste à la bordure de mes terres. Un de mes plus proches alliés, un de mes mentors lorsque je suis devenu alpha. Je me redresse, faisant rouler mes épaules, je craque mon cou, encaissant la nouvelle de la perte de mon ami. Je me lève.
- Je vais de ce pas revendiquer ce territoire, il m’appartient. Je ne laisserai pas Rémi prendre ces terres. Passe le mot à nos loups, notre meute n’est plus en sécurité. Si Rémi se rapproche de nos terres, nous devons nous protéger, dis-leur de surveiller notre école et nos maisons. Organise des tours de gardes.
Calel m’observe d’un drôle de regard. Pourtant, il le sait, nous avons vécu en paix durant de nombreuses années et je ne veux que ça pour mes loups. Nos entreprises prospèrent correctement, la ville est en expansion et notre meute accueil de plus en plus de loups qui veulent vivre en paix. Je ne peux pas laisser Rémi s’emparer des terres que je convoite et se rapprocher autant de ma meute.
Calel hoche la tête avant de sortir de mon bureau. Je l’interpelle par télépathie
« Va chercher Matthew, nous devons aller sur place pour voir ce territoire de nos propres yeux. Et surtout, le récupérer ».
Nous sommes en train de courir jusqu’à la maison du vieux Réno. Cela fait quelques heures que je sais qu’il est mort. Je ne suis pas prêt à voir sa demeure sans vie, mais je me dois de lui porter hommage. Il a été comme un père pour moi durant ces années. C’est lui qui m’a appris tout ce que je sais. Grâce à lui, j’ai repris le contrôle et apporté la paix à ma meute. Je cours avec mes bêta Calel et Matthew, ce dernier, légèrement derrière nous, je lui demande d’accélérer pour que nous arrivions avant la nuit.
J’entends les gars en train de parler, mais je n’y prête pas attention, ils reviennent encore et toujours sur le même sujet, quand est-ce que je trouverai ma Luna, ma compagne. Un loup ne peut diriger une meute sans sa Luna, mais je ne la trouve pas. J’ai écumé les villes, les régions à la recherche de mon âme sœur en vain. Je sais que sans elle, sans une Luna avec moi, je ne suis pas en pleine capacité de mes pouvoirs d’alpha. Mais je ne prendrais pas une Luna quelconque pour guider la meute. Seul mon âme sœur tiendra ce rôle.
Nous arrivons peu avant la nuit sur les terres des rocheuses, je me dirige vers la maison de la meute pour nous faire accueillir par le bêta du vieux Réno, Louis. Il nous invite à entrer et nous propose le gite pour la nuit, il sait déjà pourquoi nous sommes là. Je me dirige vers l’endroit où repose mon ancien mentor. Pour nous, lorsque l’un d’entre nous meurent, nous l’enterrons dans la journée même, sur ses terres. Je reste pendant une heure sur sa tombe avant d’aller m’entretenir avec Louis.
Il est rare qu’une terre soit laissée sans alpha et cela se ressent, les loups sont perdus, désorganisés, ils ont besoin d’avoir un alpha. Louis est d’accord pour que je récupère les terres, mais pour cela, il doit me prêter allégeance.
Dans nos coutumes, ce sont les alphas qui dirigent les meutes, les bêtas qui sont les bras droits des alphas puis les delta, principalement tous les autres loups qui composent une meute. Pour diriger une meute, il faut soit être de la lignée de l’Alpha précédent, soit le vaincre ou encore s’emparer des terres en se proclamant alpha. Nous pouvons via ce système posséder une meute, mais il faut pour cela que personne d’autre ne veuille diriger la meute. Sinon, un combat doit avoir lieu et le vainqueur obtient la meute convoitée et l’allégeance de tous les loups qui la compose.
Le vieux Réno l’a dit à son bêta, ce territoire me revient, je suis le fils qu’il n’a jamais eus. Il faut pour cela que Louis me porte allégeance, ainsi, en me reconnaissant comme son alpha, je pourrais posséder le territoire des rocheuses sans bains de sang. Mais les terres ne me reviendront qu’à une condition, et une seule, que je sois entier.
Je dois trouver ma Luna.
Je suis parti trottiner, j’ai besoin de me changer les idées suite à l’annonce de Louis. Comment est-ce que je vais bien pouvoir la trouver afin de récupérer la meute et le territoire. C’est une condition qui ne peut être, ce n’est pas comme si je n’avais pas cherché ma Luna ! Ça fait trois ans que je la cherche sans relâche. Calel et Matthew viennent de me rejoindre, ils étaient dans le bar de la ville en attendant ma discussion. Ils s’interrogent sur ma course effrénée et ma rage, signes que tout ne s’est pas bien passé.
Alors que nous courrons dans la forêt, je sens une odeur. Je m’arrête de ce pas et sens l’air autour de nous. Sur leur garde mes bêtas font de même. Je trouve d’où vient ce parfum et je me mets à galoper pour trouver à qui elle appartient. Nous courrons pendant de nombreux kilomètres avant de tomber enfin face à celle qui dégage cette senteur inconnue. Au détour d’un sentier, on se retrouve face à elle.
Une louve blanche, pas très grande avec les yeux bleus, je le sens, elle est effrayée et grogne.
Comment oses t-elle faire claquer ses dents devant moi. Je la fixe menaçante, mais elle fait demi-tour pour partir. Mon loup bondit avant que je puisse décider de la suivre. Je parle aux gars et leur demande de la prendre à revers pour la bloquer. Nous devons savoir pourquoi elle fuit.
Quelques minutes plus tard, j’entends Calel.
« Azrael, je l’ai. »
J’entends des bruits de combats puis un hurlement. Calel.
J’arrive sur les lieux et le vois recouvert de son propre sang, il se redresse la patte pendante, elle lui a sectionné le muscle, il ne peut plus courir tant que son métabolisme n’aura pas cicatrisé.
Je cours à sa suite bien déterminée à venger mon bêta. Personne ne s’en prend à ma meute.
Je la retrouve. Face à elle, je l’observe. Une louve assez petite, des yeux bleus comme je n’en ai jamais vu auparavant. Sa fourrure est d’un blanc, neige et semble si soyeuse. Je continue de la détailler silencieusement avant que mes yeux croisent les siens. Mon loup plonge son regard dans le sien. En un instant, elle disparait, sa fourrure blanche sautant au-dessus d’un ravin, elle me jette un dernier coup d’œil avant de fuir.
Elle fuit en accélérant et je hurle.
- Mienne.
Ma poitrine se soulève avec vigueur, mon cœur bat furieusement dans mon torse. Le rugissement résonne encore dans l’épaisse forêt, vibrant dans chaque feuille, branche comme une déclaration. Cette rencontre n’est pas simplement le fruit du hasard, elle est déterminée par le destin.
Je suis encore sous le choque, en proie à une tempête d’émotions. La rencontre avec la louve blanche a éveillé ce que j’ai longtemps cherché sans jamais le trouver. Dans ses yeux bleus, j’ai vu la promesse d’un avenir, l’écho de ma propre âme appelant la sienne. Elle sera ma Luna.
Calel gémit derrière moi et je me rappelle brusquement la situation. Son flanc saigne, mais je sais qu’il se remettra. Nous avons des capacités de guérison au-delà de celles des humains, d’ici demain matin, il sera guéri. Mais cela ne signifie pas que la douleur est moins réelle. Calel a besoin d’attention, et la louve blanche ne doit pas être notre seule préoccupation maintenant.
- Ramène-le à la maison, ordonné-je à Matthew d’une voix grave. Assure-toi qu’il soit soigné correctement.
Matthew acquiesce, son expression remplie de doute, il me regarde incertain. Mais Calel est plus qu’un bêta pour nous ; il est un frère. Alors, sans un mot, faisant confiance en mon jugement, Matthew aide Calel à se relever et ensemble, ils partent.
Seul sous la voûte forestière, mon esprit bouillonne. Mon loup hurle en moi ce besoin viscéral de la revendiquer comme la mienne... Ma Luna. Elle est quelque part là-dehors, seule, effrayée, et manifestement puissante si elle a réussi à blesser Calel. Je prends une décision rapide, dictée par l’instinct plus que par la raison.
Je m’élance à sa poursuite.
Je suis guidé par les empreintes discrètes qu’elle a laissées et par le parfum envoûtant de son passage. Son odeur, comment n’ai-je pas pu sentir cela avant. Ce parfum qui m’enveloppe. Je suis un prédateur, un alpha et un traqueur par excellence. Les traces de ses pas sont mes repères, et peu à peu, je gagne du terrain.
Alors que la nuit m’enseveli, mes sens de loup deviennent plus aiguisés. Chaque bruissement est un signal, chaque mouvement de l’air me raconte une histoire. Elle est proche, je le sens, je le sais.
Je m’arrête pour écouter, le monde est silencieux sauf pour le battement de mon cœur et le crépitement lointain d’une cascade. Je hume l’air, essayant de sentir la direction. Mais je le devine, je l’ai perdu. Comment a-t-elle pu s’évaporer ?