Chapter 1: Le Souffle
Le soleil couchant baignait les rues de lumière dorée, projetant des ombres allongées sur les façades des bâtiments parisiens. Waresa marcha d’un pas rapide, le cœur battant, serrant son portfolio contre elle comme un talisman. L’air était saturé d’excitation et de nervosité. Cette rencontre dans une galerie d’art renommée était peut-être l’opportunité qu’elle attendait depuis des années. Une porte d'entrée à un mondequi lui semblait souvent inaccessible.
Lorsqu’elle arriva devant les immenses portes vitrées de la galerie, elle s’arrêta une seconde pour lisser sa jupe et reprendre son souffle. L’intérieur, visible à travers le verre, semblait étrangement vide. Pas de réceptionniste à l’entrée, pas de visiteurs qui déambulaient entre les œuvres. Avec une hésitation marquée, Waresa poussa les portes, qui glissèrent silencieusement sur leurs rails.
Elle entra dans un espace vaste et immaculé, où chaque pas résonnait sur le sol en marbre poli. Les murs blancs étaient parsemés d’œuvres étranges et captivantes : des toiles monumentales qui semblaient pulser d’une énergie invisible, des sculptures aux formes organiques presque inquiétantes.
— Bonjour ? appela-t-elle timidement, sa voix se perdant dans le vide.
Aucune réponse. Elle jeta un coup d’œil à sa montre : elle était à l’heure. Peut-être même un peu en avance.
Elle décida d’attendre près de l’entrée, observant les œuvres avec une curiosité croissante. Les minutes s’étiraient. Quinze. Trente. Toujours personne.
L’agacement et l’inquiétude finirent par la pousser à explorer les lieux. Elle marcha lentement entre les œuvres, essayant de se distraire de la tension qui montait en elle. Mais quelque chose la mettait mal à l’aise. Chaque tableau semblait… vivant, d’une manière indescriptible. Comme si des yeux invisibles l’observaient.
C’est alors qu’elle le vit.
Au centre de la salle principale trônait une immense toile intitulée Le Souffle, seule sur un mur dépourvu d’autres œuvres. L’encadrement noir brillant accentuait l’intensité de l’image. Waresa s’approcha, fascinée malgré elle.
Le tableau représentait un ensemble complexe et dérangeant : des poumons humains dessinés avec une précision presque chirurgicale, entrelacés de veines dorées qui semblaient scintiller à la lumière. Au centre, une trachée lumineuse pulsait doucement, comme si elle respirait réellement. Plus Waresa observait, plus elle avait l’impression que le tableau bougeait, comme une créature endormie.
Un frisson parcourut son échine. Elle savait qu’elle ne devrait pas toucher l’œuvre, mais une force inexplicable semblait l’y pousser.
Ses doigts effleurèrent la surface.
Une décharge électrique traversa son corps. Tout devint flou. La lumière de la galerie s’effaça, remplacée par une obscurité profonde ponctuée de lueurs fugaces. Elle tenta de crier, mais aucun son ne sortit. Une sensation de vertige l’envahit alors qu’elle se sentait aspirée, comme si elle tombait à travers un puits sans fin.
Quand elle ouvrit les yeux, elle était étendue sur un lit qu’elle ne reconnaissait pas.
La lumière qui baignait la pièce était douce, mais d’une teinte inhabituelle, oscillant entre l’ambre et le pourpre. Les murs semblaient faits d’une matière vivante, respirant doucement au rythme d’une pulsation sourde. Tout était étranger, mais pas hostile.
Waresa se redressa lentement, massant ses tempes. Son corps semblait lourd, comme si elle s’éveillait d’un long sommeil. Avant qu’elle ne puisse rassembler ses pensées, un homme entra dans la pièce.
Il était grand, à la peau sombre et aux yeux étrangement brillants, comme s’ils renfermaient une lumière propre. Ses vêtements, tissés de fibres lumineuses, semblaient défier toute logique terrestre.
— Vous êtes réveillée, dit-il d’une voix grave et posée.
Waresa, encore désorientée, le regarda avec méfiance.
— Où suis-je ? murmura-t-elle, sa voix tremblant légèrement.
L’homme ne répondit pas immédiatement. Il se contenta de l’observer, un mélange de curiosité et de prudence dans le regard.
— Vous êtes en sécurité, finit-il par dire.
— Ce n’est pas une réponse ! insista Waresa, la panique montant en elle. Qui êtes-vous ? Et où suis-je ?
— Mon nom est Yansan, répondit-il calmement. Vous êtes à La Genèse, un endroit… loin de chez vous.
Elle secoua la tête, refusant de croire ce qu’elle entendait.
— Non, c’est impossible. Je… J’étais à Paris. Dans une galerie d’art. Qu’est-ce qui m’arrive ?
Yansan resta silencieux, comme s’il pesait ses mots.
— La Genèse est différente, dit-il enfin. Vous comprendrez en temps voulu.
Ces mots, bien qu’apaisants dans leur ton, ne firent qu’amplifier le sentiment d’inquiétude de Waresa. Elle se leva brusquement, vacillant légèrement sous l’effet de l’étourdissement, et marcha jusqu’à une grande fenêtre.
La vue lui coupa le souffle.
Un ciel pourpre, d’une intensité surnaturelle, s’étendait à perte de vue, parsemé de nuages lumineux qui semblaient vivants. En contrebas, une ville s’étalait, vibrante et irréelle. Les bâtiments, d’une architecture miroitante et organique, formaient des spirales et des arches impossibles. Les rues étaient animées par des silhouettes en armures bleues luminescentes, dont les reflets dansaient comme des néons dans la nuit.
Waresa recula, les jambes tremblantes.
— Ce… Ce n’est pas la Terre, murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour Yansan.
— Non, répondit-il simplement.
Elle se retourna vers lui, le regard rempli de confusion et de peur.
— Comment suis-je arrivée ici ? Et pourquoi moi ?
Yansan s’approcha lentement, son expression indéchiffrable.
— Nous ne savons pas encore, dit-il doucement.
Ces mots la laissèrent sans voix. Il n’y avait aucune réponse claire, aucune explication logique. Juste une myriade de questions qui tourbillonnaient dans son esprit.
Dans les heures qui suivirent, Yansan lui expliqua ce qu’il pouvait. La Genèse, cette planète énigmatique, était un lieu à la fois ancien et étrangement avancé, où la technologie semblait fusionner avec la nature. Les habitants, qu’il appelait les Originaires, avaient appris à manipuler des forces que Waresa ne pouvait pas encore comprendre.
— Et moi ? demanda-t-elle finalement. Que suis-je censée faire ici ?
Yansan détourna le regard, hésitant.
— Ce que vous ferez dépend de vous. Mais il y a une raison pour laquelle vous êtes ici, même si elle reste un mystère.
Ces mots, bien qu’énigmatiques, portaient une certaine gravité. Waresa sentit une vague de frustration monter en elle. Tout cela semblait absurde, irréel. Mais une partie d’elle ne pouvait nier la réalité de ce qu’elle voyait, de ce qu’elle ressentait.
Alors qu’elle contemplait à nouveau la ville à travers la fenêtre, une pensée la frappa : et si elle ne pouvait jamais rentrer ?